Stranger Things et Lovecraft sont liés : la série met en scène l’horreur cosmique, les monstres tentaculaires et le Monde à l’Envers, hérités des mythes lovecraftiens.

Dans une petite ville américaine, les lumières vacillent, les murs s’entrouvrent, et une créature surgit d’un monde parallèle : tel est le point de départ de Stranger Things, la série phénomène de Netflix. Mais derrière le Demogorgon et le Monde à l’Envers, certains spectateurs avertis reconnaissent des échos bien plus anciens, issus de l’imaginaire d’un écrivain du début du XXe siècle : H. P. Lovecraft. Connu comme le maître de « l’horreur cosmique », Lovecraft a façonné une mythologie faite de créatures indicibles et de dimensions effrayantes, où l’humanité n’est qu’une poussière insignifiante. Alors, existe-t-il vraiment un lien entre Lovecraft et Stranger Things ? Explorons les parallèles entre la plume lovecraftienne et l’univers des frères Duffer.
Lovecraft et Stranger Things : influences, références et inspirations communes
Les créatures de Stranger Things et leur parenté avec les monstres lovecraftiens
Le premier monstre qui surgit dans Stranger Things est surnommé le Demogorgon par les enfants héros de la série. Sa silhouette humanoïde, ses proportions déformées et sa bouche béante en forme de fleur carnivore rappellent directement les entités monstrueuses décrites par Lovecraft, comme les Profonds dans le Cauchemar d’Innsmouth ou encore les créatures informes de Dans les Montagnes hallucinées.
La force de Lovecraft était de créer des êtres au-delà de la compréhension humaine, souvent décrits par fragments, comme si leur nature entière était insoutenable à l’esprit. Dans le même esprit, le Demogorgon et le Mind Flayer de Stranger Things incarnent un mal étranger, venu d’ailleurs, sans logique humaine. Comme l’écrivait Lovecraft dans Supernatural Horror in Literature (1927) : « L’émotion la plus ancienne et la plus forte de l’humanité est la peur, et la plus ancienne et la plus forte des peurs est la peur de l’inconnu. » Cette peur de l’inconnu traverse autant ses nouvelles que l’imagerie visuelle de la série.
Le Monde à l’Envers et l’écho des dimensions parallèles chez Lovecraft

Le Monde à l’Envers, dimension sombre et parallèle à notre réalité, est l’une des grandes trouvailles de la série. Cet univers inquiétant, peuplé de spores, de brumes et de créatures hostiles, fait immédiatement penser aux réalités alternatives imaginées par Lovecraft. Dans L’Appel de Cthulhu, R’lyeh, la cité sous-marine où dort le Grand Ancien, est décrite comme un espace où les lois de la géométrie semblent abolies. Dans son récit “Dans l’abîme du temps“, Lovecraft évoque également des passages vers des mondes inconnus qui défient la raison humaine.
De la même façon que les habitants de Hawkins vivent dans la crainte de ce qui se cache de l’autre côté du voile, les personnages de Lovecraft pressentent sans cesse qu’il existe des dimensions parallèles où des forces anciennes attendent patiemment leur retour. Cette idée de mondes superposés nourrit à la fois la tension dramatique de la série et le cœur de l’horreur lovecraftienne.
Le lien entre Lovecraft et Stranger Things dans la construction de l’horreur
L’horreur cosmique lovecraftienne et son reflet dans l’univers de Stranger Things

L’horreur de Lovecraft ne réside pas uniquement dans la monstruosité des créatures, mais dans la révélation de notre insignifiance face à un cosmos indifférent. Cette notion, baptisée « horreur cosmique », se retrouve pleinement dans Stranger Things. Le Mind Flayer, immense entité tentaculaire tapie dans le Monde à l’Envers, échappe à toute logique humaine. Comme Cthulhu, il incarne une force titanesque, incontrôlable, indifférente aux efforts humains pour la contrer.
Dans les récits lovecraftiens, les personnages sombrent souvent dans la folie lorsqu’ils prennent conscience de l’existence de ces puissances. De manière parallèle, les habitants de Hawkins voient leur réalité bouleversée par la découverte du Monde à l’Envers, une prise de conscience qui rappelle la perte de repères si caractéristique des nouvelles de Lovecraft.
Le rôle de l’inconnu, de la peur et du surnaturel partagé par Lovecraft et la série
Un des éléments-clés qui rapproche Lovecraft et Stranger Things est la place de l’inconnu. Dans La Couleur tombée du ciel, Lovecraft décrit une force venue de l’espace qui défie toute classification scientifique. Dans la série, les phénomènes liés au Monde à l’Envers échappent également aux explications rationnelles, même pour les scientifiques du laboratoire d’Hawkins.
Le mystère, entretenu par le silence et l’absence de réponses, renforce l’atmosphère inquiétante. Comme le résume une autre citation célèbre de Lovecraft : « Nous vivons sur une île paisible d’ignorance, au milieu des noirs océans de l’infini, et nous n’étions pas destinés à voguer trop loin. » Cette mise en garde se traduit dans Stranger Things par le danger constant que représente toute tentative d’explorer ou de manipuler l’inconnu.
Lovecraft, Stranger Things et la culture populaire : une même fascination pour l’invisible
Comment l’imaginaire de Lovecraft inspire les séries et la pop culture moderne

Lovecraft n’a jamais connu le succès de son vivant, mais ses idées ont infusé toute la culture moderne. Stranger Things est loin d’être la seule œuvre à puiser dans son imaginaire. Des films comme The Mist ou The Thing, des jeux vidéo comme Bloodborne, et de nombreuses séries fantastiques s’inspirent de son univers tentaculaire et de ses atmosphères d’horreur cosmique.
Les frères Duffer, créateurs de Stranger Things, n’ont jamais caché leur passion pour les récits de monstres et les atmosphères de l’horreur classique. En intégrant des échos lovecraftiens dans leur série, ils s’inscrivent dans une longue lignée d’artistes fascinés par l’univers inquiétant du maître de Providence.
Pourquoi Stranger Things perpétue l’héritage lovecraftien auprès d’un nouveau public
La force de Stranger Things réside dans sa capacité à mélanger des références diverses – science-fiction, horreur, culture pop des années 1980 – tout en renouant avec des thèmes intemporels. En montrant des enfants confrontés à des forces inhumaines, la série fait découvrir à un nouveau public les grands thèmes de l’horreur cosmique : l’inconnu, la perte de repères, l’impuissance face à un univers hostile.
Ainsi, même sans mentionner explicitement Lovecraft, Stranger Things diffuse son héritage auprès de millions de spectateurs à travers le monde. La série démontre que l’horreur lovecraftienne, loin d’être confinée aux pages des pulps des années 1920, reste vivante et terriblement actuelle.
Conclusion : un pont invisible entre Lovecraft et Stranger Things

Le lien entre Lovecraft et Stranger Things ne tient pas seulement aux monstres tentaculaires ou aux dimensions parallèles, mais à une vision commune de l’horreur : celle d’un univers où l’homme n’est pas le centre, mais une poussière menacée par des forces plus vastes. Les créatures de Hawkins, comme celles de Providence, incarnent la peur de l’inconnu, la fragilité humaine et l’attente terrifiante d’un retour des puissances anciennes.
En ce sens, Stranger Things est bien plus qu’une série nostalgique : elle perpétue l’héritage lovecraftien en l’adaptant aux codes de la culture moderne. Les spectateurs qui frissonnent devant le Demogorgon ou le Mind Flayer sont, sans toujours le savoir, les héritiers de la même peur primordiale que Lovecraft décrivait il y a près d’un siècle.
Sources
- H. P. Lovecraft, L’Appel de Cthulhu (The Call of Cthulhu, 1928).
- H. P. Lovecraft, La Couleur tombée du ciel (The Colour out of Space, 1927).
- H. P. Lovecraft, Dans les Montagnes hallucinées (At the Mountains of Madness, 1931).
- H. P. Lovecraft, Supernatural Horror in Literature (1927).
- S. T. Joshi, H. P. Lovecraft: A Life



