Carcosa est une cité imaginaire et maudite, inventée par Ambrose Bierce puis popularisée par Robert W. Chambers dans The King in Yellow. Associée au Roi en Jaune et à Hastur, elle a influencé l’univers de Lovecraft et fascine encore la culture populaire par son atmosphère de ruine et de mystère.

Carcosa. Ce simple nom évoque des brumes étranges, des paysages lunaires, des lacs sans fond et des palais en ruine où résonnent encore les échos d’une tragédie oubliée. Pour les amateurs de fantastique, cette cité maudite est bien plus qu’un décor : elle incarne le mystère, l’horreur indicible et la fascination des mondes perdus. Née à la fin du XIXe siècle dans la plume d’Ambrose Bierce, sublimée par Robert W. Chambers dans The King in Yellow puis intégrée dans le Mythe de Cthulhu par H. P. Lovecraft et ses héritiers, Carcosa est devenue un symbole de l’imaginaire occulte. Son nom résonne encore aujourd’hui dans la littérature, le cinéma et les jeux, comme une invitation à franchir les frontières de la raison.
Carcosa, la cité maudite : origine et signification

Carcosa est souvent décrite comme une ville à la beauté déchue, baignée de lumières étranges, où se mélangent splendeur et décadence. Elle incarne l’archétype de la cité maudite, un lieu situé hors du temps et de l’espace. Sa signification dépasse la simple géographie imaginaire : elle symbolise l’inconnu, la perte de repères et la fascination pour des civilisations oubliées.
Dans les récits où elle apparaît, Carcosa est enveloppée de brumes et de mystères. Les descriptions évoquent des lacs infinis, des étoiles noirs, des étoiles doubles et des palais en ruine. Elle n’est jamais décrite frontalement, mais suggérée à travers des fragments. Cette absence de certitude la rend encore plus troublante, car chacun imagine sa propre version de Carcosa, une cité hantée par l’écho des siècles.
Le nom lui-même, « Carcosa », intrigue. Sa sonorité évoque à la fois quelque chose de chantant et de sinistre. De nombreux critiques y voient un mot inventé qui semble provenir d’une langue oubliée, renforçant l’idée d’un lieu étranger à l’humanité. Carcosa n’est pas seulement un décor : elle est un symbole d’horreur cosmique, de chute et de folie.
Carcosa dans The King in Yellow de Robert W. Chambers
En 1895, Robert W. Chambers reprend le nom inventé par Bierce et l’inscrit dans The King in Yellow, un recueil de nouvelles où un mystérieux livre maudit conduit ses lecteurs à la folie. Carcosa devient alors un lieu central : une cité lointaine, associée à des soleils noirs, des lacs profonds et le spectre du Roi en Jaune.
Les fragments de descriptions donnés par Chambers marquent durablement l’imaginaire. Il évoque « les ombres de Carcosa », « les lacs sans rivage » et « les soleils jumeaux qui se couchent derrière les tours brisées ». Loin de décrire la ville avec précision, l’auteur joue sur la suggestion, laissant planer une angoisse sourde. Cette technique renforce la puissance évocatrice de Carcosa, qui devient une projection de la peur.
Dans The King in Yellow, Carcosa est indissociable de la pièce de théâtre éponyme, un texte interdit qui plonge quiconque le lit dans la folie. Ainsi, la cité est associée non seulement à un lieu imaginaire, mais aussi à une expérience psychique, une plongée dans l’horreur intérieure. C’est cette dualité qui donnera à Carcosa sa place unique dans le panthéon du fantastique.
Carcosa et le Roi en Jaune : une cité liée à Hastur

Avec Chambers, Carcosa devient intimement liée au Roi en Jaune, une entité mystérieuse portant des haillons d’or et dont le simple nom glace le sang. La cité apparaît alors comme son royaume spectral, un trône décadent où se mêlent grandeur et désolation.
Cette figure ambiguë, à la frontière entre divinité et malédiction, trouve en Carcosa un écrin parfait. Les tours en ruine, les palais brisés et les lacs sans fond semblent être l’écho matériel de son pouvoir corrupteur. En évoquant Carcosa, Chambers ne montre pas seulement une cité : il décrit l’univers même du Roi en Jaune, un monde où la raison se dissout.
C’est à travers cette association que naît la légende : Carcosa devient non seulement un décor, mais une extension de l’entité qu’elle abrite. Plus tard, d’autres auteurs relieront cette cité et son souverain maudit à Hastur, un nom qui apparaîtra fréquemment dans les récits du Mythe de Cthulhu.
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La relation entre Carcosa, Hastur et le Roi en Jaune
Le lien entre Carcosa, Hastur et le Roi en Jaune ne fut pas immédiat. Chambers n’avait pas défini Hastur comme une divinité maléfique, mais comme un nom mystérieux parmi d’autres. Ce sont August Derleth et d’autres auteurs liés au cercle lovecraftien qui, au XXe siècle, fusionnèrent ces éléments pour construire un panthéon cohérent.
Dans ce cadre, Hastur fut présenté comme une entité cosmique, parfois assimilée à une divinité rivale de Cthulhu, parfois comme un aspect du Roi en Jaune. Carcosa devint alors le centre de ce culte étrange, une cité maudite où l’on vénère ces puissances obscures. Cette association renforça l’aura maléfique de Carcosa, qui passa du statut de décor à celui de véritable centre de culte occulte.
Lovecraft lui-même ne développa jamais Carcosa dans ses récits, mais il connaissait l’œuvre de Chambers. Dans Celui qui chuchotait dans les ténèbres, il cite Hastur, donnant ainsi une légitimité à cette mythologie partagée. Comme souvent, Lovecraft aimait intégrer des références extérieures pour donner une impression d’univers interconnecté.
L’influence de Carcosa sur l’univers de Lovecraft et du Mythe de Cthulhu

Carcosa, bien qu’inventée par Bierce et développée par Chambers, finit par trouver une place dans le vaste Mythe de Cthulhu. En citant Hastur, Lovecraft ouvrit la porte à une intégration de la cité dans sa cosmologie. La ville devint alors un lieu du culte interdit, une ombre dans l’arrière-plan de ses récits.
Dans l’esprit lovecraftien, Carcosa incarne une parfaite illustration de l’horreur cosmique : un lieu dont la beauté est indissociable de la ruine, et dont les habitants, s’il en reste, échappent à toute compréhension humaine. On y retrouve les thèmes chers à Lovecraft : la petitesse de l’homme, la perte de repères, l’indifférence glaciale de l’univers.
« La chose la plus miséricordieuse au monde, je crois, est l’incapacité de l’esprit humain à mettre en corrélation tout ce qu’il contient » Cette citation illustre parfaitement Carcosa : une cité qui ne peut être comprise dans son ensemble, sous peine de sombrer dans la folie.
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Carcosa dans la culture populaire moderne
Carcosa a continué d’inspirer des générations d’artistes après Lovecraft. La cité apparaît sous diverses formes, souvent voilée de mystère, dans les romans fantastiques, les bandes dessinées, les films et les jeux de rôle. Elle incarne toujours un lieu de fascination, un décor où la frontière entre le réel et le cauchemar s’efface.
Dans la littérature, Carcosa est fréquemment évoquée comme un symbole de corruption et de grandeur passée. Les écrivains contemporains qui s’y réfèrent reprennent les images classiques de Chambers et les réinventent, en y ajoutant leurs propres visions. Cette plasticité explique sa longévité dans l’imaginaire collectif.
Carcosa a aussi trouvé un écho particulier dans les arts visuels : tableaux, illustrations et couvertures de livres la représentent souvent comme une cité lunaire, aux tours effondrées et aux palais brumeux. Elle est devenue un archétype de la « cité perdue » dans la culture moderne.
La cité de Carcosa dans les séries, films et jeux vidéo
L’une des apparitions les plus marquantes de Carcosa dans la culture récente est sans doute dans la série True Detective (saison 1, 2014). Le tueur y évoque Carcosa comme un lieu de culte macabre, renforçant son aura de mystère auprès d’un large public. Cette référence directe à Chambers a ravivé l’intérêt pour le Roi en Jaune et sa cité maudite.
Dans le cinéma, Carcosa est parfois mentionnée comme une ville fantôme ou un lieu de folie. Les réalisateurs y voient une métaphore puissante : la ruine éternelle où l’homme perd son âme. Les jeux vidéo, quant à eux, s’approprient son esthétique pour créer des environnements troublants, inspirés de son imaginaire spectral.
Les jeux de rôle comme L’Appel de Cthulhu ou Delta Green ont également largement intégré Carcosa comme décor d’aventures ésotériques. Elle devient alors un lieu à explorer, mais jamais à comprendre totalement. Comme toujours avec Carcosa, c’est l’inconnu qui fascine, plus que les certitudes.
Pourquoi Carcosa fascine encore les amateurs de fantastique

Carcosa continue de séduire car elle incarne l’inaccessible. Sa force réside dans ce qui n’est pas dit : une ville que l’on devine plus qu’on ne décrit, où chacun projette ses propres peurs et fantasmes. L’absence de détails précis permet à l’imaginaire de s’emparer du mythe, le renouvelant à chaque génération.
Elle fascine aussi parce qu’elle relie plusieurs traditions du fantastique : la méditation métaphysique de Bierce, l’horreur psychologique de Chambers, l’horreur cosmique de Lovecraft. Carcosa est à la croisée des chemins, un symbole du passage entre la littérature décadente du XIXe siècle et les mythologies modernes de l’horreur.
Enfin, Carcosa incarne l’idée d’une cité éternelle et condamnée, miroir des civilisations humaines promises à la ruine. Elle interroge sur notre rapport au temps, à la mémoire et à la folie. Comme le disait Lovecraft dans Les Montagnes hallucinées : « La plus grande pitié de l’homme est son incapacité à concevoir l’ensemble de ce qui existe ». Carcosa est cette totalité interdite, un rêve et un cauchemar mêlés.
Conclusion : Carcosa, un mythe intemporel
Carcosa est bien plus qu’une ville fictive : c’est un mythe littéraire qui traverse les siècles et les genres. Son apparition dans les récits de Bierce, sa transformation par Chambers et son intégration au Mythe de Cthulhu montrent comment une simple invention peut devenir une légende universelle.
Cette cité maudite, toujours décrite par fragments et ombres, illustre l’essence même du fantastique : suggérer l’horreur plutôt que la montrer, laisser au lecteur le soin d’imaginer l’indicible. C’est dans ce silence que réside sa force, une force qui a inspiré écrivains, artistes et cinéastes jusqu’à aujourd’hui.
En définitive, Carcosa reste un symbole éternel de l’horreur cosmique et de la fascination pour l’inconnu. Comme les soleils jumeaux qui brillent sur ses ruines, son nom continue de hanter les esprits, rappelant que certaines cités ne meurent jamais vraiment.
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Sources
- Ambrose Bierce – An Inhabitant of Carcosa (1886) – https://www.gutenberg.org/ebooks/13520
- Robert W. Chambers – The King in Yellow (1895) – https://www.gutenberg.org/ebooks/8492
- H. P. Lovecraft – L’Appel de Cthulhu (1926) – https://www.hplovecraft.com
- H. P. Lovecraft – Les Montagnes hallucinées (1931) – https://www.hplovecraft.com
- August Derleth – Écrits sur Hastur et le Mythe élargi – https://www.hplovecraft.com
- S. T. Joshi – The Weird Tale (1990) – https://stjoshi.org