Résumé rapide : Dans “Dagon” de H.P. Lovecraft, un marin naufragé découvre une terre surgie des abysses et un dieu marin oublié, déclenchant une descente inexorable dans la folie et posant les premières pierres du mythe de Cthulhu.

Imaginez un homme, seul, perdu sur une mer calme, abandonné par la guerre et rejeté par la logique du monde connu. Dans l’immensité silencieuse de l’océan, il découvre une terre noire, visqueuse, et un monolithe ancien recouvert de symboles oubliés. C’est là que commence la descente dans l’indicible. « Dagon », l’une des premières nouvelles de H.P. Lovecraft, déploie déjà tous les germes de ce qui deviendra le mythe de Cthulhu. Une lecture courte, mais vertigineuse, où l’homme n’est plus qu’un insecte face à l’immensité des forces oubliées.
Résumé détaillé de “Dagon” de H.P. Lovecraft
L’intrigue de la nouvelle Dagon expliquée scène par scène

Le narrateur, un officier de la marine marchande capturé par les forces ennemies pendant la Première Guerre mondiale, parvient à s’échapper à bord d’un canot de sauvetage. À la dérive sur l’océan Pacifique, il est livré à lui-même pendant plusieurs jours, asséché, halluciné, priant pour entrevoir une terre — mais ce qu’il découvrira ne correspondra à rien de connu. Contre toute attente, il échoue sur une étendue de vase noire et fétide, un désert marin surgit des abysses après un séisme colossal. Le paysage est d’une étrangeté inquiétante, constellé de cadavres marins et marqué par une odeur de pourriture ancienne.
Explorant cette étendue lugubre sous un ciel plombé, il aperçoit un gigantesque monolithe dressé au centre d’un bassin. La pierre, visqueuse et couverte d’algues, est gravée de bas-reliefs représentant des créatures mi-humaines, mi-poissons, semblant engagées dans des rituels cultuels. L’esthétique de ces figures, tout comme leur attitude de vénération, trouble profondément le narrateur : “De grandes sculptures informes, grotesques et serpentines… s’inclinaient devant une forme centrale que je ne pouvais identifier.” C’est alors qu’un être gigantesque émerge des flots, reptilien et écailleux, et vient se prosterner devant l’autel de pierre. La scène, d’une horreur muette, fige le narrateur dans une terreur paralysante.
Il perd connaissance, puis se réveille mystérieusement à l’hôpital, recueilli en mer sans qu’aucun souvenir précis ne lui revienne quant à sa survie. Mais il n’est plus le même homme. Tourmenté par des visions récurrentes de la créature marine, il se réfugie dans la morphine, seul rempart contre la folie. Son récit, qu’il présente comme un témoignage désespéré, se conclut sur une note effrayante :
« J’entends un bruit à la porte, comme si un immense corps visqueux s’y appuyait lourdement. Il ne me trouvera pas. Mon Dieu, cette main ! La fenêtre ! La fenêtre ! »
Suggérant que le cauchemar n’est pas terminé, il laisse entendre que la chose — ou son souvenir — l’a suivi jusqu’au cœur de la civilisation. La frontière entre hallucination et réalité s’est définitivement effondrée.
Les moments clés du récit de Dagon résumés avec précision
Trois séquences rythment cette descente dans la folie : la dérive et l’arrivée sur la terre noire, la découverte du monolithe et la rencontre avec la créature marine, puis la fuite et la folie.
Chaque moment marque une rupture : la perte de repères géographiques, la confrontation avec un symbole religieux non humain, puis l’abandon de la raison. Le tout est renforcé par la consommation de morphine, présentée comme le seul échappatoire à une réalité insupportable.
Cette construction narrative installe une tension croissante : le récit, prétendument rationnel, glisse vers l’irrationnel pur. Le narrateur passe du témoin au persécuté, du survivant au damné.
Les influences mythologiques dans la nouvelle Dagon
Le dieu Dagon dans la mythologie mésopotamienne et biblique

Dagon est une divinité antique des peuples sémitiques de Mésopotamie et des Philistins. Souvent associé à la fertilité et à l’agriculture, son nom est parfois lié au mot “poisson” en hébreu, d’où sa représentation hybride dans certaines sources tardives.
Il apparaît dans l’Ancien Testament, notamment dans le Livre des Juges, lorsque Samson détruit le temple de Dagon. Ces textes montrent une divinité puissante, vénérée par des peuples que les Hébreux considéraient comme païens.
En recyclant ce nom chargé d’histoire, Lovecraft inscrit son récit dans une continuité symbolique : l’étrangeté vient du passé lointain, de dieux oubliés, et le retour de Dagon devient le retour d’un culte perdu que l’humanité moderne ne saurait affronter.
Pour en savoir plus sur la version de Lovecraft, nous vous conseillons notre article dédié à Dagon, le monstre des abysses.
Comment Lovecraft s’est inspiré de mythes anciens pour créer Dagon
Lovecraft n’a pas choisi Dagon au hasard. Il détourne volontairement le mythe pour le plonger dans l’horreur cosmique. Le Dagon lovecraftien n’a plus rien d’humain : il est une entité marine archaïque, puissante, issue de profondeurs que l’homme n’a jamais explorées.
Il en fait un symbole de l’Atlantide oubliée, des civilisations préhumaines, d’un passé que la géologie ou l’archéologie ne peuvent expliquer. Le monolithe découvert est une preuve muette de cette histoire perdue.
Cette approche résonne fortement avec d’autres œuvres du mythe, comme “Le Cauchemar d’Innsmouth”, où Lovecraft développe davantage le culte de Dagon et ses adorateurs hybrides, mi-hommes, mi-poissons.
Contexte et influence de la nouvelle Dagon sur l’univers de Lovecraft
Dagon : une des premières pierres du mythe de Cthulhu

Écrite en 1917, « Dagon » est l’un des premiers récits où Lovecraft expérimente pleinement le concept d’horreur cosmique. L’homme y est impuissant, réduit à l’état d’observateur impuissant face à des entités millénaires.
Ce texte contient déjà en germe plusieurs piliers de son univers : l’indifférence des dieux, la fragilité mentale de l’homme face à la vérité, et la mer comme lieu de mystère et de révélation.
Plus tard, Lovecraft réutilisera Dagon dans d’autres nouvelles, notamment dans “Le Cauchemar d’Innsmouth”, où la divinité est adorée par une secte et donne naissance à des hybrides. Cette continuité fait de Dagon un fondement du futur Mythe de Cthulhu. Découvrez les autres créatures emblématiques du Mythe de Cthulhu sur notre page dédiée.
Réception de la nouvelle Dagon et impact dans la culture lovecraftienne
Bien que peu connue du grand public lors de sa publication initiale en 1919 dans la revue The Vagrant, la nouvelle “Dagon” a gagné en notoriété avec le temps, notamment à partir des années 1970 avec la redécouverte critique de l’œuvre de Lovecraft. Aujourd’hui, elle est souvent recommandée comme une excellente porte d’entrée dans son univers : sa brièveté, son intensité et son ambiance anxiogène en font un condensé idéal de l’horreur cosmique lovecraftienne.
L’influence de “Dagon” s’étend largement au-delà de la littérature. Dans le cinéma, la nouvelle a inspiré directement le film “Dagon” (2001) réalisé par Stuart Gordon. Bien que l’intrigue y emprunte aussi des éléments du “Cauchemar d’Innsmouth”, l’esprit de la nouvelle — une entité marine vénérée par un culte humain dégénéré — y est central. Dans les jeux vidéo, Dagon apparaît dans plusieurs titres notables : dans “Call of Cthulhu: Dark Corners of the Earth”, il est présenté comme une divinité active au sein d’Innsmouth. Le jeu de rôle “L’Appel de Cthulhu” l’intègre également dans son bestiaire, avec une fiche complète détaillant son culte, ses pouvoirs et son influence sur les Profonds, des monstres cultes dont nous vous parlons ici.
On retrouve aussi la trace de Dagon dans des œuvres plus modernes : dans “The Witcher 3”, un culte dédié à une divinité marine évoquant Dagon se cache dans les îles de Skellige. Dans les bandes dessinées, l’univers de Mike Mignola (Hellboy) fait référence à des entités très similaires, inspirées des créatures aquatiques lovecraftiennes. Même dans la série “True Detective” (saison 1), certaines allusions au “roi jaune” et aux cultes obscurs marins rappellent l’atmosphère de “Dagon”.
Ainsi, le nom même de Dagon est devenu un archétype dans la culture de l’horreur : celui de l’ancien dieu oublié, issu des profondeurs, adoré par des humains déviants ou possédés. Une figure devenue symbole d’un savoir interdit, prêt à ressurgir pour submerger l’humanité dans sa folie.
Ce qu’il faut retenir de la nouvelle “Dagon” de H.P. Lovecraft
“Dagon” incarne toute la puissance évocatrice de Lovecraft. En quelques pages, il réussit à installer une ambiance pesante, un mystère impénétrable, et un sentiment d’effroi durable.
C’est une œuvre de transition, entre le fantastique classique et l’horreur cosmique moderne. Elle pose les bases d’un univers où la mer cache des secrets oubliés, où les dieux ne sont pas bienveillants, et où l’homme, trop curieux, risque de sombrer dans la folie.
Lue seule ou mise en relation avec d’autres textes du mythe, “Dagon” garde toute sa force. Une introduction parfaite pour ceux qui veulent s’immerger dans l’univers de Lovecraft, à condition d’oser plonger dans les ténèbres abyssales.
Une fois cette mise en bouche terminée, sur quelle nouvelle du maître de l’horreur comsique devez-vous vous ruer ? Et bien voici notre Top des meilleures histoires de Lovecraft qui, nous l’espérons, vous aidera à répondre à cette question !
Sources
- Wikipédia – Dagon (nouvelle) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dagon_(nouvelle)
- Wikipédia – Dagon (dieu) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dagon_(dieu)
- Les Chroniques du Chroniqueur – Dagon de H.P. Lovecraft : https://leschroniquesduchroniqueur.wordpress.com/2022/01/05/dagon-de-h-p-lovecraft
- Les Ailes Immortelles – Résumé et analyse de Dagon : https://www.les-ailes-immortelles.net/forum/viewtopic.php?t=18776
- Mythologica – Dagon : https://mythologica.fr/p-orient/dagon.htm
- Persée – Le dieu Dagon dans la Bible : https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1950_num_94_2_78526