Résumé rapide : Lovecraft et Edgar Allan Poe sont deux figures majeures de la littérature fantastique et horrifique, dont les styles, les influences mutuelles et l’héritage culturel continuent de marquer profondément l’imaginaire collectif.

Dans l’imaginaire collectif de la littérature fantastique et horrifique, Lovecraft et Edgar Allan Poe sont des figures incontournables. Tout lecteur passionné du surnaturel trouve dans leurs récits un effet durable, tant par la profondeur d’idée que par le style inimitable. Cet article explore en détail les liens entre Lovecraft et Edgar Allan Poe, l’admiration de HP Lovecraft pour Poe, les influences littéraires, le contraste de leurs styles, ainsi que leur héritage dans la culture contemporaine, afin d’offrir un panorama complet à ne pas manquer.
Les liens entre Lovecraft et Edgar Allan Poe : admiration, héritage et influences
L’admiration de Lovecraft pour Edgar Allan Poe
Howard Phillips Lovecraft n’a jamais caché son profond respect pour Edgar Allan Poe, qu’il considérait comme le maître absolu de l’horreur psychologique.
Dans son essai Supernatural Horror in Literature, Lovecraft voit en Poe la « divinité et source de toute la fiction diabolique moderne ». (VO : “deity and fountain-head of all modern diabolic fiction.”)
Cet hommage a été le fondement sur lequel Lovecraft a construit sa vision littéraire : nourrie des cauchemars explorés par Poe, sa propre cosmogonie terrifiante a pris forme. Il fut ainsi inspiré à explorer “l’indicible” avec une rigueur comparable à celle de Poe.
Les influences de Poe sur l’univers littéraire de Lovecraft

La structure narrative chez H. P. Lovecraft, souvent centrée sur un narrateur solitaire, témoin d’horreurs indicibles ou confronté à la lente révélation d’un secret cosmique, trouve une résonance directe dans les récits d’Edgar Allan Poe. Dans des textes comme Le Cauchemar d’Innsmouth, L’Appel de Cthulhu ou Dagon, le protagoniste agit comme un enquêteur malgré lui, découvrant progressivement des vérités dont la seule connaissance suffit à provoquer la folie. Ce schéma d’escalade vers l’horreur, où le lecteur est entraîné dans une spirale de dévoilement, renvoie à des œuvres telles que Le Cœur révélateur ou Manuscrit trouvé dans une bouteille, où Poe pose les bases d’un récit introspectif à la première personne, emprunt d’une subjectivité troublante.
LLovecraft écrit à Edwin Baird (3 fév. 1924) : « Pour moi, Poe est l’apogée de l’art fantastique. » (VO : “To me Poe is the apex of fantastic art.”). Il admirait particulièrement la capacité de Poe à transformer une sensation intime – angoisse, culpabilité, obsession – en un décor littéraire total.
Par ailleurs, Lovecraft hérite de Poe une profonde fascination pour les frontières mentales : la folie, le délire, les visions grotesques et la dégradation de la raison humaine. Dans La Maison de la sorcière ou Le Monstre sur le seuil, les personnages sombrent peu à peu dans une forme d’aliénation, souvent sous l’effet d’un savoir interdit, à l’instar du narrateur du Chat noir de Poe, qui glisse dans le crime et le cauchemar psychologique.
L’atmosphère oppressante – ce sentiment que quelque chose de malsain palpite sous la surface du réel – est un héritage direct du style de Poe. Dans La Chute de la maison Usher, l’environnement participe à la folie du personnage ; chez Lovecraft, des lieux comme Arkham, Dunwich ou les cités cyclopéennes de Les Montagnes hallucinées incarnent une mémoire géologique et occulte. L’horreur devient spatiale, mais elle conserve chez Lovecraft l’empreinte du malaise poétique et sombre de Poe.
Lovecraft vs Edgar Allan Poe : deux visions du fantastique et de l’horreur
Les différences stylistiques entre Lovecraft et Edgar Allan Poe

Le style de Lovecraft se caractérise par une langue érudite, dense et très descriptive : “hostile univers,” “architectures cyclopéennes” ou même “cosmos impassible” sont des formules qui ont leur poids. Ce choix ornemental contribue à une atmosphère lourde et oppressante.
À l’inverse, Poe privilégiait une prose plus épurée, tendue, ponctuée de détails sensoriels frappants : le battement obsédant du cœur, la descente inexorable vers la folie. Il cherchait à produire un effet immédiat, presque viscéral.
Une approche opposée de la peur et du surnaturel
Chez Lovecraft, la peur est cosmique : l’homme y est insignifiant face à des forces insondables — et silencieuses. Cette vision transparaît dans sa célèbre phrase (adaptée) : « L’univers est gouffre, amour est sa cavité ».
Poe, pour sa part, cultive l’angoisse dans le psychologique et l’intimité : ses monstres sont souvent des reflets de la psyché tourmentée. L’horreur est incarnée, tangible, comme l’écho d’un battement de cœur irrégulier.
Lovecraft et Edgar Allan Poe dans la culture populaire et la critique littéraire
L’héritage de Lovecraft et d’Edgar Allan Poe dans la littérature moderne

Lovecraft a transmis à des générations d’auteurs (Stephen King, Clive Barker, Joyce Carol Oates, Neil Gaiman…) la fascination pour le mystère vertigineux. Son univers est devenu un genre à part entière, peuplé de dieux oubliés et de milliers de mythes. Il a notamment été repris dans les écrits du célèbre auteur de comic books Alan Moore à découvrir dans notre article dédié.
Quant à Edgar Allan Poe, il a légué à la littérature policière et fantastique un style inimitable, un sens de la chute tragique et l’efficacité de l’irruption du surnaturel dans le quotidien. Sa trace est visible dans d’innombrables récits modernes, même hors du fantastique strict.
Lovecraft et Edgar Allan Poe au cinéma, en musique et dans les arts
Le cinéma d’horreur doit beaucoup à Lovecraft : films comme “The Color Out of Space” (2019) ou l’univers visuel de John Carpenter notamment dans The Thing (1982) puisent dans les architectures cauchemardesques et l’inconnaissable.
Poe a, lui aussi, inspiré de multiples adaptations — du “Masque de la Mort Rouge” au “Corbeau” — ainsi que des formes musicales gothiques et post-punk, où résonne la plainte lugubre et obsessionnelle alliée à une mise en scène presque rituelle du malaise.
Conclusion : Ce que Lovecraft doit à Poe (et ce qu’il n’en retient pas)

À travers le miroir noir du fantastique, Lovecraft et Edgar Allan Poe se répondent, comme deux échos d’une même angoisse universelle. L’un, architecte du cauchemar cosmique, l’autre, chirurgien de l’âme tourmentée, ont façonné les piliers d’un imaginaire sombre et captivant. Si Poe a tracé les premières veines du macabre moderne, Lovecraft en a étendu la cartographie jusqu’aux confins de l’inconnaissable.
Leurs styles, leurs obsessions, leurs voix singulières continuent d’infuser la littérature, le cinéma, les arts visuels et la musique. Lire Poe, c’est sentir l’ombre rôder dans un couloir familier. Lire Lovecraft, c’est contempler l’abîme de l’infini – et se découvrir minuscule. Ensemble, ils forment les deux battements d’un cœur unique, qui pulse encore aujourd’hui dans l’univers du fantastique. Un héritage immortel, une invitation à explorer l’obscur, à défier la raison, et à reconnaître dans l’horreur une forme très pure de beauté littéraire.
Pour en savoir davantage sur la vie HP Lovecraft et sur les éléments qui ont influencé son oeuvre, nous vous invitons à lire notre biographie du reclus de Providence ici.
Sources
- Correspondance de H. P. Lovecraft (traductions françaises des lettres citées), archives Lovecraft…
- Recueil des nouvelles d’Edgar Allan Poe : “Le cœur révélateur”, “La chute de la maison Usher”, “Le corbeau”…
- Études comparatives sur Lovecraft et Poe dans la littérature fantastique contemporaine
- Analyses critiques sur l’influence posthume de Lovecraft et Poe dans le cinéma et la musique
- Citations adaptées et traduites pour la fluidité de la lecture



