Stephen King revendique l’influence de Lovecraft, notamment dans Jerusalem’s Lot ou The Mist, où l’horreur cosmique prend une place centrale. Voici en détail ce qui unie les deux maîtres de l’horreur.

L’obscur, l’indicible et l’inexplicable se glissent toujours entre les pages quand on lit un récit de H. P. Lovecraft ou de Stephen King. Ceux qui ont passé les nuits blanches avec les Grands Anciens ou les couloirs hantés de Derry savent qu’il y a quelque chose de fascinant à sonder la peur au-delà du tangible — et c’est précisément cette quête du vertige littéraire qui unit Lovecraft et Stephen King, deux géants d’une même veine sombre. Dans cet article, nous plongerons ensemble dans leur relation littéraire secrète, nous comparerons leurs styles et visions de l’horreur, puis nous verrons comment chacun d’eux s’est imposé dans la culture contemporaine.
Lovecraft et Stephen King : influences, héritages et liens entre deux auteurs majeurs de l’horreur
Stephen King et Lovecraft : une filiation littéraire revendiquée
Stephen King n’a jamais caché l’influence monumentale de Lovecraft sur sa propre trajectoire littéraire. Il a raconté que, lorsqu’il était adolescent, il tomba sur un recueil de Lovecraft — The Lurker in the Shadows — dans le grenier familial, et que ce moment fut une révélation : Lovecraft lui ouvrit la voie. Dès lors, il considéra qu’un pan entier de son inspiration venait de cet écrivain pionnier.
Cette filiation littéraire est visible dans ses travaux non romanesques, comme Danse Macabre, où King analyse ses influences et reconnaît l’ombre de Lovecraft sur l’horreur moderne. Par ce biais, King inscrit son œuvre dans une lignée de terreur cosmique et de surnaturel porté par un souffle plus vaste que le simple récit de peur.
Il ne s’agit pas seulement d’une filiation idéelle : dans plusieurs de ses œuvres, King intègre des références directes ou des hommages au mythe lovecraftien — noms, entités ou atmosphères — comme on le verra dans la partie suivante. Ainsi, Stephen King revendique un lien conscient, inscrit dans sa démarche artistique, avec le monde étrange et infini qu’a inauguré Lovecraft.
L’influence de Lovecraft sur l’univers de Stephen King

L’influence de Lovecraft sur l’univers de Stephen King ne se limite pas à une admiration abstraite : elle irrigue ses récits, ses thèmes et ses figures de peur. Par exemple, la nouvelle Jerusalem’s Lot de King est fréquemment citée comme un hommage palpable à l’univers lovecraftien, avec grimoire maudit, mal ancien et terreur sourde remontant du sol. De même, The Mist évoque des entités extra-dimensionnelles, des créatures indicibles surgissant d’un voile brumeux — un trope quasi-lovecraftien de l’intrusion d’un autre ordre du réel.
King va plus loin : ses figures antagonistes comme Randall Flagg — dans The Stand ou La Tour Sombre — sont parfois lues comme des incarnations d’une « Outer Dark » ou d’une puissance malveillante cosmique, à l’instar des “Outer Gods” du mythe de Lovecraft. Par ailleurs, King a reconnu, dans On Writing ou dans ses interviews, que certaines de ses idées fondamentales lui venaient de la confrontation avec l’insaisissable, l’inconnu hostile, que Lovecraft avait popularisé.
Ainsi, l’œuvre de King peut être lue comme un pont entre la tradition de l’horreur cosmique et l’horreur humaine, plus immédiate : Lovecraft installe le cadre, King l’arrime au quotidien, et l’influence se diffuse dans chaque récit comme une tension invisible entre le familier et l’inconnu.
Comparaison entre Lovecraft et Stephen King : styles, thématiques et visions de l’horreur
L’horreur cosmique de Lovecraft vs l’horreur psychologique de Stephen King

Lovecraft est le maître incontesté de l’horreur cosmique : son univers repose sur l’idée que l’humanité, minuscule et fragile, est confrontée à des forces antérieures, incompréhensibles, qui ne se soucient guère d’elle. L’indicible, l’abîme, le gouffre métaphysique sont les véritables protagonistes dans ses récits. C’est cette vision que l’on retrouve dans L’Appel de Cthulhu ou At the Mountains of Madness. Dans ce cadre, la peur naît de ce que nous ne pouvons pas nommer, et de l’écrasante relativité de notre place dans l’univers.
Stephen King, quant à lui, explore davantage l’horreur psychologique, le traumatisme intime, l’invasion de la normalité par le monstrueux. Ses récits se déroulent souvent dans des lieux familiers — une ville de province, une maison familiale, une banlieue — et c’est la dissonance avec ce qui est attendu qui crée le malaise. Par exemple, dans Ça (It), Pennywise terrorise d’abord les enfants dans un décor connu, avant d’ouvrir les portes vers des réalités plus profondes.
Cependant, King n’ignore pas la dimension cosmique : il la mêle à l’humain, ce qui rend ses récits plus accessibles tout en gardant un éclat de mystère. La force de King est de faire exister le monstrueux dans le quotidien, de le rendre tangible et psychologique, tout en conservant une dimension métaphysique héritée de Lovecraft.
Monstres, peurs et univers : comment Lovecraft et Stephen King explorent l’inconnu
Chez Lovecraft, les monstres sont souvent inhumains, tentaculaires, fugaces et insaisissables. Ils incarnent une altérité totale — ce n’est pas simplement un monstre de chair, mais un principe cosmique. Le mythe du Cthulhu, Yog-Sothoth ou Nyarlathotep transcende la forme pour devenir une menacé permanente sur le réel. La peur se loge dans l’écrasement de l’imaginaire humain devant l’incommensurable.
King, en revanche, s’appuie davantage sur des figures hybrides ou des êtres qui franchissent le seuil de notre réalité. Les monstres de King peuvent prendre des formes humaines déformées, revenir de la mort, surgir d’un rêve, ou provenir d’un ailleurs dimensionnel — mais toujours avec une porosité avec notre monde. Pensez à Cujo, à Christine, à Simetierre ou à Cellulaire/Chambre 1408.
L’univers narratif diffère aussi : Lovecraft construit une toile interconnectée — le Mythe de Cthulhu est polymorphe, cada auteur peut y puiser. King, pour sa part, crée des univers autonomes mais reliés (la Tour Sombre comme nexus, les références croisées entre romans). Il construit un multivers narratif, dans lequel certaines créatures ou entités puisent leur origine dans un ailleurs que Lovecraft a en partie inauguré.
Lovecraft et Stephen King dans la culture populaire et la littérature contemporaine
Le succès posthume de Lovecraft et son impact sur l’œuvre de King

Lovecraft, de son vivant, vécut dans l’ombre : ses œuvres étaient marginales, peu diffusées. Ce n’est qu’après sa mort que le mouvement Lovecraftien (le “Lovecraft Circle”) et la fondation d’Arkham House permirent la diffusion de ses récits dans le monde anglo-saxon et au-delà. Le mythe prit sa pleine ampleur, inspirant d’innombrables écrivains, artistes, jeux, films, bandes dessinées.
Stephen King fut l’un des auteurs qui emprunta les voies ouvertes par Lovecraft, mais il y apporta une modernité narrative et une popularité que l’horreur lovecraftienne classique ne connaissait pas. En combinant l’efficacité du récit populaire et l’épaisseur mythique, King amplifia la réception du modèle horrorifique : ses best-sellers entrèrent dans les mains d’un large public, faisant circuler les idées de l’horreur cosmique dans l’imaginaire populaire.
L’œuvre de King contribue à entretenir l’héritage de Lovecraft : en multipliant les références, en rendant accessibles des concepts d’horreur kosmique, en hybridant les traditionnels tropes lovecraftiens à des récits contemporains. De la sorte, l’influence de Lovecraft reste vivante et se diffuse au-delà de cercles spécialisés.
Lovecraft et Stephen King : deux piliers pour les écrivains d’horreur modernes
Aujourd’hui, lorsqu’un auteur se lance dans la littérature de l’effroi, il doit composer avec l’ombre double de Lovecraft et King : l’horreur cosmique d’un côté, l’horreur psychologique et incarnée de l’autre. Beaucoup d’écrivains contemporains tirent leurs fils dans cet entrelacs : usages de démons indicibles, détours terrifiants dans le réel, références au gouffre — sans oublier l’art de rendre le familier inquiétant.
On peut citer Neil Gaiman, Guillermo del Toro, Brian Lumley, Alan Moore, ou des auteurs francophones qui, au-delà de l’hommage, explorent la peur en héritage. Leurs récits prennent souvent la forme d’une synthèse : l’horreur doit être à la fois métaphysique et ressentie. King et Lovecraft sont devenus des balises incontournables ; ils constituent une boussole pour qui veut naviguer dans les eaux sombres de la littérature d’horreur.
En fin de compte, Lovecraft et Stephen King structurent un continuum : l’un a dressé les fondations du surnaturel inquiétant, l’autre a élargi la forme et l’a rendu accessible à des millions de lecteurs. Ensemble, ils forment un duo complémentaire, une référence permanente dans l’imaginaire de l’effroi.
Conclusion : Deux visions de l’horreur, un même héritage littéraire

Lovecraft et Stephen King incarnent deux approches complémentaires de l’horreur : l’un plonge dans l’indicible et le cosmique, l’autre sonde les peurs humaines dans des contextes familiers. Ensemble, ils ont redéfini les contours de l’imaginaire horrifique et continuent d’influencer des générations d’écrivains, de cinéastes et de lecteurs.
En explorant les passerelles entre leurs œuvres, on découvre un dialogue invisible mais constant entre deux visions du monde : celle d’un univers indifférent et terrifiant, et celle d’un monde où le mal rôde dans les recoins de l’âme humaine. Leur double héritage s’inscrit profondément dans la culture populaire, tissant une toile d’ombres et de mystères qui n’a pas fini de nous fasciner.
Lire Lovecraft, c’est affronter l’inconnu absolu ; lire King, c’est apprendre à le reconnaître au coin de la rue. Et dans les deux cas, c’est accepter de ne plus jamais voir le monde de la même manière.
Maintenant que vous savez qui a inspiré Stephen King, lisez l’article disponible ici et découvrez qui a inspiré HP Lovecraft.
Sources
- “The Lovecraftian stories of Stephen King”, The Lovecraft eZine : https://lovecraftzine.com/2015/10/20/the-lovecraftian-stories-of-stephen-king/
- “Relationship between Stephen King and HP Lovecraft?”, discussion Reddit : https://www.reddit.com/r/books/comments/36a6ox/relationship_between_stephen_king_and_hp_lovecraft/
- Citations de Lovecraft (françaises), “Les meilleures citations de HP Lovecraft” — Nos Pensées : https://nospensees.fr/les-meilleures-citations-de-hp-lovecraft/
- “H. P. Lovecraft – Wikipédia” : https://fr.wikipedia.org/wiki/H._P._Lovecraft
- “Danse Macabre (King book)” — Wikipédia : https://en.wikipedia.org/wiki/Danse_Macabre_(King_book)
- “The Tommyknockers – influence de Lovecraft” — Wikipédia : https://en.wikipedia.org/wiki/The_Tommyknockers
- “The Great God Pan” / relation Machen–Lovecraft–King — Wikipédia : https://en.wikipedia.org/wiki/The_Great_God_Pan
- Citations de Lovecraft : “Quelques citations de Lovecraft – Ulthar.net” : https://www.ulthar.net/h.p.lovecraft/son-oeuvre/3a::quelques-citations-de-lovecraft.html
- “Supernatural Horror in Literature” via article sur Arthur Machen — Wikipédia : https://en.wikipedia.org/wiki/Arthur_Machen



