Le chat de Lovecraft s’appelait “Nigger-Man”, un chat noir adopté durant son enfance. Ce nom, choquant aujourd’hui, reflète le racisme ordinaire de l’Amérique du début du XXe siècle.

Il y a des questions qui reviennent sans cesse dès qu’on prononce le nom de H. P. Lovecraft. Celle-ci en fait partie. On la chuchote parfois, on la lance en clin d’œil de forum en forum : Quel est le nom du chat de Lovecraft ? Derrière cette anecdote se cache un véritable sujet d’histoire littéraire et de mémoire : un auteur majeur, une Amérique traversée par le racisme ordinaire, et un animal — le fameux chat de Lovecraft — qui cristallise à lui seul admiration féline et malaise contemporain. Dans cet article, le nom du chat de Lovecraft est expliqué clairement, replacé dans son époque, puis confronté aux débats actuels — sans esquiver, mais sans caricaturer. L’objectif : comprendre, contextualiser, et ressortir avec une vision plus solide de l’homme et de son œuvre.
Le nom du chat de Lovecraft : origine, époque et contexte historique
Comment s’appelait réellement le chat de Lovecraft ?

Le nom du chat de Lovecraft était Nigger-Man, ainsi que Lovecraft l’indique lui-même dans la nouvelle « Les Rats dans les murs » (Weird Tales, 1924). Dans le récit, le narrateur précise : « Mon chat aîné, Nigger-Man, avait sept ans », ce qui confirme noir sur blanc l’existence de ce nom dans sa fiction et, par ricochet, dans sa vie. L’orthographe d’origine est bien Nigger-Man, et la traduction française littérale donnerait « l’Homme-Nègre », formulation aujourd’hui offensante.
Historiquement, ce chat de Lovecraft était un compagnon d’enfance. Les chercheurs et archivistes situent sa présence au foyer des Lovecraft jusqu’en 1904, année où l’animal disparaît, sur fond de bouleversements familiaux. Plusieurs lettres tardives montrent que Lovecraft en conservait un souvenir attendri. Dans une lettre de 1935, il évoque encore « mon chat noir Nigger-Man » parmi les images récurrentes de son enfance.
On ne sait pas avec certitude qui a choisi le nom du chat de Lovecraft — hypothèse parfois avancée : un adulte de la famille ou l’entourage. Ce flou est fréquent dans les biographies familiales du XIXe siècle finissant. Quoi qu’il en soit, l’auteur réutilisera ce nom dans sa fiction en 1924, signe que, des années plus tard, l’animal demeurait une figure mémorielle forte.
Comprendre le contexte : l’Amérique raciste du début du XXe siècle

Pour comprendre le nom du chat de Lovecraft, il faut revenir à l’atmosphère sociale d’alors : une Amérique (et plus largement un monde anglophone) où des termes aujourd’hui perçus — à juste titre — comme gravement injurieux circulaient dans les conversations, la presse populaire et les titres d’œuvres. On en trouve des traces dans la culture britannique et américaine : le labrador des « Dambusters » s’appelait ainsi dans les années 1940, et l’un des romans les plus célèbres d’Agatha Christie parut d’abord au Royaume-Uni sous un titre aujourd’hui remplacé. Ces faits n’excusent rien ; ils documentent un usage tristement banal à l’époque.
En 1924, lorsque Lovecraft publie « Les Rats dans les murs », cette banalité n’a pas encore disparu de l’édition populaire : la mention du chat dans le texte n’avait d’ailleurs pas suscité de polémique éditoriale notable à la parution. Les débats contemporains viendront bien plus tard, à mesure que nos sociétés reconsidèrent l’héritage lexical et ses violences. Il n’existe aucune trace connue de réaction publique ou éditoriale choquée à la publication des Rats dans les murs en 1924. Ni le rédacteur de Weird Tales, Edwin Baird, ni les lecteurs du courrier du magazine n’ont commenté le nom du chat. L’absence de polémique à l’époque illustre le caractère tristement banal de ce vocabulaire dans la culture populaire anglo-saxonne du début du XXᵉ siècle. Les critiques modernes, à partir des années 1980 notamment avec S. T. Joshi, en ont révélé la portée et replacé le fait dans l’histoire du racisme ordinaire américain.
Il reste qu’au même moment Lovecraft affiche par ailleurs des opinions explicitement racistes dans sa correspondance et certains poèmes (avant son évolution plus nuancée des années 1930). Le nom du chat de Lovecraft s’insère donc dans un tableau plus large : celui d’un auteur marqué par son époque et ses préjugés, que la critique moderne dissèque sans complaisance.
Pourquoi le nom du chat de Lovecraft fait polémique encore aujourd’hui
La réception moderne et les débats sur le racisme de Lovecraft

Sur Internet, le nom du chat de Lovecraft est devenu un mème autant qu’un motif de discussion sérieuse. Des historiens, blogueurs et lecteurs contextualisent l’anecdote, renvoyant aux lettres de l’auteur et à l’extrait de « Les Rats dans les murs ». La majorité des analyses sérieuses convient que le nom fut courant dans un contexte raciste et que Lovecraft l’a repris tel quel, sans le remettre en question.
Les spécialistes de Lovecraft — S. T. Joshi en tête — rappellent que cette question ne peut être isolée du reste : l’écrivain a tenu des propos violemment xénophobes dans les années 1910-1920, puis a partiellement infléchi ses positions au cours des années 1930 au contact de correspondants divers. Cela n’efface pas les textes antérieurs ; cela rend seulement l’ensemble plus complexe que la seule anecdote du chat de Lovecraft.
La polémique perdure, notamment parce que le choc du mot est immédiat, parce que l’horreur cosmique de Lovecraft est lue aujourd’hui par des publics très larges, et parce que les réseaux sociaux condensent l’auteur à quelques faits saillants. D’où l’importance d’articles comme celui-ci : poser les faits, citer les textes, et préciser ce que révèle — et ce que ne révèle pas — le nom du chat de Lovecraft.
Comment séparer l’auteur de son œuvre ?
La question, classique, se pose : peut-on aimer « L’Appel de Cthulhu », « La Couleur tombée du ciel » ou « Les Chats d’Ulthar » tout en désapprouvant les opinions de l’auteur ? Beaucoup de lecteurs répondent oui, à condition de lire avec vigilance et de ne pas blanchir les angles. La démarche consiste à reconnaître le talent formel, l’imaginaire sidérant, et simultanément à garder en mémoire l’arrière-plan idéologique.
Pour nourrir ce discernement, on peut s’appuyer sur les textes eux-mêmes. Dans « Les Chats d’Ulthar », par exemple, Lovecraft chante la dignité farouche du félin, devenu symbole de justice contre la cruauté humaine. À d’autres moments, ses lettres révèlent un homme capable d’affection, de doutes et d’évolutions — et aussi d’aveuglements persistants. Lire Lovecraft, c’est accepter ce mélange, et le discuter.
Enfin, il n’est pas inutile de rappeler une éthique de lecteur : contextualiser sans excuser, analyser sans édulcorer. Le nom du chat de Lovecraft choque, et doit choquer aujourd’hui ; mais il doit aussi servir de point d’entrée pour comprendre les mécanismes sociaux qui l’ont rendu possible et banal en 1900, afin qu’ils ne le soient plus.
Ce que révèle le nom du chat de Lovecraft sur son univers et sa personnalité
Un reflet du pessimisme et des peurs de Lovecraft

Lovecraft s’est souvent décrit comme un esthète misanthrope, sensible à la beauté des formes, des ruines, du ciel nocturne — et des chats. Son essai « Cats and Dogs » oppose avec verve le chat « hôte » indépendant au chien « serviteur ». On y lit : « Nous possédons un chien… mais nous recevons un chat », formule où transparait une vision aristocratique de l’animal. Cet attachement félin est partout dans ses textes.
Dès lors, le chat de Lovecraft devient un miroir ironique : un symbole d’élégance et de mystère, mais aussi une trace de l’ombre idéologique qui habite son époque et sa personne. Le heurt entre les deux — amour du chat, nom choquant — dit quelque chose du conflit interne de l’auteur : un imaginaire d’une finesse rare et des angles morts très concrets.
Ce paradoxe irrigue aussi sa fiction : les chats y flairent l’indicible (« Les Rats dans les murs », encore) ou deviennent des agents de justice onirique (« Les Chats d’Ulthar »). L’animal est l’allié des rêveurs, du monde d’Ulthar jusqu’aux contrées oniriques de La Quête onirique de Kadath l’inconnue, où Randolph Carter invoque les chats d’Ulthar pour le secourir contre les créatures de la Lune. Ces félins, messagers des sphères du rêve, incarnent la liberté et l’intelligence mystérieuse que Lovecraft admirait tant. C’est d’ailleurs un chat qui, dans « Rats », perçoit avant tout le monde l’horreur enfouie sous les dalles.
Pour aller plus loin, nous pouvons nous poser la question suivante : Lovecraft était-il xénophobe ou bien seulement le fruit de son époque ? Question à laquelle nous tentons de répondre dans notre article dédié disponible ici : “HP Lovecraft était-il vraiment raciste ?“.
Héritage et réinterprétation dans la culture moderne
Aujourd’hui, le nom du chat de Lovecraft est souvent discuté dans les communautés de lecteurs, de rôlistes et d’universitaires. Une grande partie des créateurs préfère contextualiser plutôt que censurer : rééditions assorties d’avertissements, notes de bas de page, ateliers de lecture. D’autres adaptent en modifiant les éléments les plus problématiques, à l’image des titres révisés de certaines œuvres populaires du XXe siècle.
Dans le fandom lovecraftien, on voit fleurir des initiatives qui assument le passé tout en ouvrant l’œuvre à tous les publics : conférences, podcasts, mises en scène, modules de jeu signalant la présence de contenus sensibles. Cette pratique de la médiation critique permet d’aimer Lovecraft sans fermer les yeux sur ses angles morts. Des articles de vulgarisation et des billets d’historiens en ligne contribuent à cette mise en contexte, en citant sources et passages.
Enfin, les félins continuent d’occuper une place de choix dans l’imaginaire lovecraftien d’aujourd’hui : de la fascination pour le chat de Lovecraft aux hommages à « Les Chats d’Ulthar », l’animal accompagne la relecture contemporaine. Peut-être est-ce là, paradoxalement, l’héritage le plus vivant : un symbole d’indépendance et de beauté, réinvesti sans le poids des mots d’hier.
Conclusion : Le chat de Lovecraft comme preuve ultime de racisme de l’auteur ?

Le nom du chat de Lovecraft est devenu, malgré lui, un miroir de son époque et de ses contradictions. Derrière cette anecdote se dessine un portrait plus nuancé : celui d’un écrivain à l’imaginaire immense, mais enraciné dans une société pétrie de préjugés. Comprendre ce détail, c’est accepter de regarder Lovecraft dans toute sa complexité — ni pour le juger hâtivement, ni pour l’excuser, mais pour mieux situer son œuvre dans son contexte.
Son chat, Nigger-Man, n’est pas qu’un nom scandaleux : il est le vestige d’une enfance, d’un monde disparu, et d’un auteur dont les ombres nourrissent toujours notre fascination. Lire Lovecraft aujourd’hui, c’est aussi dialoguer avec cette part d’histoire — et reconnaître que la peur la plus profonde, chez lui, n’est pas seulement celle du cosmos, mais celle de l’Autre.
Ainsi, la question “Quel est le nom du chat de Lovecraft ?” dépasse la simple curiosité : elle nous invite à réfléchir à la façon dont les mots survivent, changent de sens, et nous obligent à interroger nos propres héritages culturels.
Pour mettre un peu plus de contexte autour des actes et des paroles de l’auteur, nous vous invitons à découvrir sa biographie complète qui vous permettra d’avoir un aperçu de la vie (pas toujours simple et heureuse) d’un auteur qui a marqué la littérature.
Quelques citations brèves de Lovecraft (traduites)
- « Mon chat aîné, Nigger-Man, avait sept ans et m’avait suivi depuis Bolton. »
— « Les Rats dans les murs » (1924), traduction depuis l’anglais : “My eldest cat, ‘Nigger-Man’, was seven years old and had come with me from my home in Bolton, Massachusetts.”
Source : HPLovecraft.com - « Nous possédons un chien… mais nous recevons un chat. »
— « Cats and Dogs » (1926), traduction depuis l’anglais : “We own a dog… but we entertain a cat.”
Source : HPLovecraft.com - « De tous mes rêves, beaucoup me ramènent à la vieille maison, à ma mère, à mon grand-père et à mon chat noir. »
— Lettre du 15 août 1935, Selected Letters V, p.190 — traduction depuis l’anglais : “About 0.8 of my dreams concern that period – with me in short pants, the old house, my mother, grandfather, and my black cat, Nigger-Man, all alive.”
Sources
- H. P. Lovecraft, « The Rats in the Walls », HPLovecraft.com — https://www.hplovecraft.com/writings/texts/fiction/rw.aspx
- H. P. Lovecraft, « Cats and Dogs », HPLovecraft.com — https://www.hplovecraft.com/writings/texts/essays/cd.aspx
- AskHistorians (Reddit) — « HP Lovecraft infamously named both his actual cat… » — https://www.reddit.com/r/AskHistorians/comments/hpjboi/hp_lovecraft_infamously_named_both_his_actual_cat/
- Wikipedia — « The Rats in the Walls » — https://en.wikipedia.org/wiki/The_Rats_in_the_Walls
- Wikipedia — « Nigger (dog) » (Dambusters) — https://en.wikipedia.org/wiki/Nigger_(dog)
- Wikipedia — « And Then There Were None » (titre original et révisions) — https://en.wikipedia.org/wiki/And_Then_There_Were_None
- Lovecraft Fandom Wiki — « Something About Cats » (notice) — https://lovecraft.fandom.com/wiki/Something_About_Cats



