Résumé rapide : Le Modèle de Pickman est une nouvelle de H. P. Lovecraft dans laquelle un peintre maudit révèle que ses tableaux monstrueux sont inspirés de créatures bien réelles, plongeant le lecteur dans une horreur surnaturelle et insidieuse.

Parmi les récits les plus marquants de H. P. Lovecraft, Le Modèle de Pickman se distingue par sa manière glaçante de lier art et horreur. Situé à Boston, ce conte plonge le lecteur dans les bas-fonds d’une ville déjà imprégnée de mystère, pour y découvrir un peintre génial et maudit : Richard Upton Pickman. Avec ce récit, Lovecraft explore les limites de la représentation artistique et la nature même de l’horreur cosmique. Voici le résumé de cette histoire.
Résumé complet de la nouvelle Le Modèle de Pickman de Lovecraft
Déroulement de l’intrigue du Modèle de Pickman : visite, découverte et terreur finale

La nouvelle prend la forme d’un long monologue adressé par Thurber, le narrateur, à un interlocuteur silencieux dont on ne connaît ni le nom ni les paroles. Il s’agit donc d’un récit rapporté a posteriori, ce qui accentue la tension et donne à l’histoire une dimension très personnelle, presque confessionnelle. Thurber y raconte une expérience qu’il n’a jamais osé partager publiquement : sa visite dans le quartier nord de Boston en compagnie de Richard Upton Pickman, un peintre controversé, rejeté par les cercles artistiques pour l’extrême horreur de ses œuvres.
Intrigué par la réputation sulfureuse de Pickman, Thurber accepte son invitation à découvrir un atelier secret, dissimulé dans une maison vétuste et isolée, au cœur d’un quartier abandonné et rongé par le temps. Là, Pickman lui dévoile une série de tableaux d’une noirceur inouïe : des scènes cauchemardesques, des créatures grotesques aux visages distordus, des décors infernaux d’un réalisme glaçant. Thurber est d’abord fasciné par la virtuosité technique du peintre, mais l’effroi s’installe peu à peu à mesure qu’il contemple l’inhumanité presque palpable de ces visions.
Le choc survient lorsqu’il comprend, par un concours de circonstances, que Pickman ne s’inspire pas de cauchemars pour peindre ces horreurs : il les reproduit fidèlement à partir de modèles réels. Terrifié, Thurber assiste alors à une scène révélatrice qui confirme ses craintes. Saisi par la panique, il s’échappe de l’atelier, hanté à jamais par ce qu’il a vu — ou entrevu — dans l’ombre de cette cave maudite.
Les créatures décrites dans cette nouvelle sont les Goules de Lovecraft que vous pouvez découvrir dans notre article dédié sur ces monstres morts-vivants.
Les personnages principaux : Pickman et Thurber
Richard Upton Pickman est décrit comme un artiste génial mais écarté de la communauté pour la nature choquante de ses tableaux. Lovecraft le compare à Goya ou Fuseli, mais le situe au-delà :
« Ce qu’il peignait était trop — comment dirais-je ? — trop vivace, trop frappant. Il ne se contentait pas de suggérer les horreurs ; il les montrait, avec un art si diabolique que c’en était presque croyable. »
(Le Modèle de Pickman, trad. Jacques Papy, Denoël)
Thurber, quant à lui, est un personnage typique de Lovecraft : rationnel, sceptique, mais lentement confronté à l’inexplicable. Son regard sert de tremplin pour plonger le lecteur dans une horreur insidieuse.
La dynamique entre les deux hommes met en scène la confrontation entre l’artiste visionnaire et le spectateur ordinaire, incapable de saisir l’ampleur de la vérité qu’il effleure.
La révélation finale et son impact sur le lecteur

La nouvelle se conclut par une révélation glaçante : dans les affaires de Pickman, Thurber trouve une photo, non une esquisse. C’est le portrait exact de la créature qu’il pensait imaginée. Dès lors, le doute n’est plus permis : les monstres de Pickman sont réels.
Ce twist final, qui survient après une lente progression dans l’horreur, est typique de Lovecraft. Il transforme une histoire d’art macabre en récit surnaturel, marquant fortement l’esprit du lecteur.
Comme dans La Quête Onirique de Kadath l’Inconnue, Lovecraft joue ici sur l’effacement de la frontière entre imagination et réalité, thème central de son horreur cosmique.
Contexte et publication de la nouvelle Le Modèle de Pickman
Le Modèle de Pickman (Pickman’s Model) a été écrit en septembre 1926 et publié pour la première fois en octobre 1927 dans la revue Weird Tales. Cette nouvelle s’inscrit dans une période où Lovecraft explore des thèmes liés à l’art, à la folie et à la perception du réel.
Le récit est ancré à Boston, ville réelle que Lovecraft connaissait bien, et qui renforce l’effet de véracité du texte. En opposant une cité civilisée à ses quartiers délaissés et infestés d’horreur, il poursuit le travail amorcé dans Le Cauchemar d’Innsmouth ou Arkham.
Le thème du peintre démoniaque rappelle aussi certaines obsessions de Lovecraft : la transmission d’un savoir interdit, l’héritage d’un passé monstrueux, comme on le retrouve dans Re-Animator ou le Necronomicon.
Le Modèle de Pickman dans Le Cabinet de curiosités de Guillermo del Toro
Une adaptation libre et contemporaine de la nouvelle de Lovecraft

L’épisode Pickman’s Model de la série Guillermo del Toro’s Cabinet of Curiosities (Netflix, 2022) adapte la nouvelle avec de nombreuses libertés. Là où Lovecraft se concentrait sur la suggestion et l’implicite, la série déploie une horreur plus visuelle et directe.
Le personnage de Thurber y devient un artiste lui-même, prénommé Will, et l’intrigue se déroule sur plusieurs années. Le désir de Pickman de partager sa vision devient obsession, au point d’entraîner la folie et la mort autour de lui.
L’adaptation transforme le récit en une méditation sur la contamination artistique et mentale. Si elle s’éloigne du texte, elle conserve l’essence du malaise lovecraftien.
Fidélité, différences et réception critique de l’épisode Pickman’s Model
Parmi les libertés prises, on note l’ajout de scènes de violence graphique, l’élargissement de la galerie de personnages et une fin dramatique très différente de celle de la nouvelle. L’ambiance, elle, reste fidèle au malaise croissant que Lovecraft distille.
Les critiques ont salué l’interprétation de Ben Barnes (Will Thurber) et de Crispin Glover (Pickman), tout en notant une perte de subtilité. Certains regretteront que l’horreur soit trop littérale, d’autres apprécieront la densité visuelle.
Cette version moderne du Modèle de Pickman permet d’introduire Lovecraft à une nouvelle génération, tout comme d’autres adaptations récentes, telles que Color Out of Space ou The Whisperer in Darkness.
Quand l’art devient horreur : conclusion
Le Modèle de Pickman demeure l’une des nouvelles les plus marquantes de Lovecraft, tant par sa construction narrative que par la terreur latente qu’elle distille. En brouillant la frontière entre art et réalité, l’auteur nous confronte à une horreur d’autant plus troublante qu’elle semble plausible. Que ce soit à travers les mots de Lovecraft ou leur relecture contemporaine dans Le Cabinet de curiosités, Pickman continue de hanter l’imaginaire collectif — preuve que certaines visions ne s’effacent jamais vraiment.
Si vous désirez découvrir un autre récit emblématique de HP Lovecraft, nous vous invitons à lire notre résumé de La Musique d’Eric Zann.
Sources
- H. P. Lovecraft, Pickman’s Model, Weird Tales, octobre 1927
- The Annotated H. P. Lovecraft, S. T. Joshi (édition Penguin Classics)
- Guillermo del Toro’s Cabinet of Curiosities, Netflix, 2022
- Éditions Françaises : « Le Modèle de Pickman », trad. par Jacques Papy (Denoël, coll. Lunes d’encre)