Résumé rapide : Shub-Niggurath, divinité obscure du Mythe de Cthulhu créée par H. P. Lovecraft, incarne une fertilité monstrueuse et sauvage ; surnommée « la Chèvre noire des bois aux mille chevreaux », elle est vénérée à travers des cultes secrets et terrifiants.

Shub-Niggurath est l’une des entités les plus troublantes et fascinantes de l’univers de H. P. Lovecraft. Surnommée « la Chèvre noire des bois aux mille chevreaux », cette déesse monstrueuse incarne à la fois la fertilité, l’abondance, la sauvagerie et l’horreur cosmique. Peu apparaît dans les textes de Lovecraft, mais son aura est immense. Dans cet article, plongeons au cœur du mythe de Shub-Niggurath, ses attributs, ses cultes, et son influence dans la culture populaire.
Qui est Shub-Niggurath dans l’univers de Lovecraft ?
Qui est Shub-Niggurath ? figure majeure du Mythe de Cthulhu
Shub-Niggurath est une entité du Mythe de Cthulhu, réputée pour sa fécondité monstrueuse. Contrairement à Cthulhu ou Azathoth, elle n’a pas de rôle narratif central, mais elle est souvent mentionnée dans des incantations ou comme force vénérée. Sa nature exacte est volontairement floue, ce qui participe à son mystère.
Lovecraft la décrit rarement directement. Dans certaines œuvres, elle est invoquée plutôt que dépeinte. Cette ambiguïté en fait une entité redoutée, liée à des forces chaotiques et primordiales.
Origine et premières mentions de Shub-Niggurath chez Lovecraft

Shub-Niggurath apparaît pour la première fois sous forme de mention dans La Quête onirique de Kadath l’inconnue, rédigée entre 1926 et 1927, bien que non publiée du vivant de Lovecraft. Elle y est évoquée comme une entité redoutée, invoquée lors de cérémonies ésotériques où le nom seul suffit à faire trembler les initiés. On la retrouve ensuite citée dans Le Cauchemar d’Innsmouth (1931) et Le Monstre sur le seuil (1933), où son influence plane sur les cultes secrets et les traditions ancestrales corrompues.
Lovecraft n’a jamais consacré de nouvelle entière à Shub-Niggurath, préférant l’évoquer à travers des incantations ou des références indirectes. Cette présence diffuse renforce son aura mystérieuse : « Iä! Shub-Niggurath! La chèvre noire des bois aux mille chevreaux ! » — une phrase rituelle qui revient dans plusieurs textes, notamment dans The Whisperer in Darkness. Elle est souvent associée au Necronomicon d’Abdul Alhazred l’arabe fou, dans lequel elle est décrite comme une entité d’une fécondité monstrueuse et d’une voracité surnaturelle.
Cette manière elliptique de la représenter est typique du style lovecraftien, qui préfère suggérer l’indicible plutôt que le décrire frontalement. Shub-Niggurath incarne ainsi une horreur primitive, chaotique et fertile, enracinée dans les confins interdits du mythe, et accessible uniquement aux initiés des cultes les plus obscurs.
Les attributs et symbolisme de Shub-Niggurath
“La chèvre aux mille chevreaux” : iconographie et images associées à Shub-Niggurath

Shub-Niggurath est fréquemment appelée « la chèvre noire des bois aux mille chevreaux ». Cette appellation évoque une entité prolifique, sauvage, génératrice d’innombrables formes de vie déviantes. Elle est souvent représentée sous forme de masse grouillante de tentacules, d’organes et de bouches.
L’imaginaire qui l’entoure mêle panique païenne, pulsions primitives et horreur féconde. Elle incarne l’abondance dégénérée, la prolifération sans fin de formes vivantes.
Symbolisme de la fertilité, de la vie sauvage et de l’horreur cosmique
Shub-Niggurath se distingue au sein du panthéon lovecraftien par son association directe avec la fertilité, mais une fertilité monstrueuse, débridée, échappant à toute forme de contrôle ou de finalité bienveillante. Là où Azathoth incarne un chaos stérile, sans conscience ni création, Shub-Niggurath est l’archétype du chaos fécond — une déesse génératrice, mais aussi corruptrice, dont les enfants sont d’innombrables monstruosités. Dans les rituels fictifs du Necronomicon, elle est appelée « la Chèvre Noire des Bois aux Mille Chevreaux », une métaphore saisissante d’une matrice cosmique débordante, primitive, et étrangère à toute logique humaine.
Elle incarne la vie lorsqu’elle cesse d’être une bénédiction pour devenir une menace. Sa fertilité n’engendre pas l’espoir, mais la perte de sens, l’envahissement du monde par l’anormal, le grotesque. La nature qu’elle symbolise n’est pas bucolique, mais sauvage, tentaculaire, et pervertie. Comme le note S. T. Joshi dans The Weird Tale, « Shub-Niggurath est une entité qui représente l’anti-maternité — non pas la tendresse créatrice, mais la procréation excessive, incontrôlable, et aliénante. »
Son symbolisme évoque un monde où la biologie devient cauchemar, où la croissance donne naissance à l’informe, à l’indicible. Dans l’univers de Lovecraft, elle devient ainsi une figure centrale de l’horreur cosmique : celle qui rappelle que même les forces censées nourrir la vie peuvent se transformer en vecteurs de démence.
Apparitions de Shub-Niggurath dans les écrits de Lovecraft
Des mentions à pleine expression : de l’ombre à la lumière dans le Mythe

Shub-Niggurath, à l’instar de nombreuses entités du panthéon lovecraftien, reste une présence essentiellement suggérée plutôt que décrite de manière explicite. Elle ne fait jamais l’objet d’un récit centré sur sa manifestation physique, mais est régulièrement invoquée comme force cosmique dans les rituels occultes. Dans Le Monstre sur le seuil (1933), Lovecraft évoque les transes et possessions liées à ses adeptes, décrivant comment son culte interfère avec la frontière fragile entre le corps et l’esprit, entre la conscience humaine et l’influence d’entités extérieures.
Sa mention agit toujours comme un déclencheur de malaise, d’effroi ancestral. L’incantation « Iä! Shub-Niggurath! » revient à plusieurs reprises dans des contextes où la raison vacille, souvent en lien avec des cérémonies célébrant la fertilité cosmique ou des sacrifices rituels. Dans The Whisperer in Darkness, son nom figure parmi les forces invoquées par les Mi-Go (créatures extraterrestres présentées ici), ce qui témoigne de sa portée interstellaire et non strictement terrestre.
L’une des sources les plus riches reste le Necronomicon, où Shub-Niggurath est décrite comme une entité dont la puissance rivalise avec celle de Yog-Sothoth, et dont les formules d’appel sont parmi les plus dangereuses jamais consignées. Bien que Lovecraft ne l’ait jamais dépeinte frontalement, les auteurs du cercle de Lovecraft — notamment August Derleth et Clark Ashton Smith — ont contribué à élargir son rôle, la représentant parfois comme la génitrice de races monstrueuses ou la gardienne de lieux sacrés. Par cette évolution collective du Mythe, Shub-Niggurath est passée d’une simple mention rituelle à une figure omniprésente, tapie dans les marges sombres de la réalité.
Analyse des nouvelles où Shub-Niggurath est évoquée explicitement
Bien que Shub-Niggurath ne soit jamais décrite frontalement, elle occupe une place symbolique majeure dans plusieurs nouvelles de Lovecraft. Dans La Quête onirique de Kadath l’inconnue (1926-27), elle est invoquée à travers des prières obscures récitées par les adorateurs des Contrées du Rêve. Sa mention y renforce l’impression d’un monde traversé par des forces primordiales invisibles mais omniprésentes. Elle apparaît également dans Le Monstre sur le seuil (1933), où son nom est lié aux transes de possession et aux sciences interdites, signalant sa connexion avec les rituels ésotériques les plus extrêmes.
Dans Les Montagnes hallucinées (1931), son nom surgit à travers les inscriptions trouvées dans la cité antique des Anciens, marquant l’étendue cosmique de son culte, bien au-delà de la Terre. Même dans Le Cauchemar d’Innsmouth(1931), Shub-Niggurath est mentionnée parmi les divinités vénérées par les Profonds, renforçant l’idée qu’elle joue un rôle clé dans les cultes hybrides et dégénérés de la cosmogonie lovecraftienne.
Au-delà des fictions, les lettres personnelles de Lovecraft apportent un éclairage précieux sur cette entité. Dans une correspondance avec Willis Conover (1936), il décrit Shub-Niggurath comme une entité représentant « l’exubérance biologique déchaînée, l’abondance pervertie ». Il la distingue d’Azathoth ou de Yog-Sothoth par sa nature active et reproductive, suggérant qu’elle incarne une version noire du principe de création, corrompu par le chaos cosmique.
Cette double présence — dans les textes et dans la correspondance — montre que Lovecraft concevait Shub-Niggurath non seulement comme une figure de peur, mais aussi comme un symbole métaphysique du trop-plein vital, inquiétant car inintelligible et incontrôlable.
Culte et rituels autour de Shub-Niggurath
Pratiques occultes et invocations : comment vénérait-on Shub-Niggurath ?

Le culte de Shub-Niggurath est souvent rural, pratiqué dans des clairières ou des forêts obscures. Des invocations y sont murmurées sous la lune noire, accompagnées de sacrifices et de rituels sexuels symbolisant la fertilité.
Des expressions comme « Ia! Shub-Niggurath! La Chèvre noire des bois aux mille chevreaux! » reviennent dans les textes comme marque de soumission au pouvoir fécondant de la déesse.
Rôles des sectes et cultes de la Déesse Noire dans le Mythe
Les sectes de Shub-Niggurath sont souvent composées d’humains déchus, de mutants ou d’adeptes fanatiques. Leur but est d’attirer les « chevreaux » de la déesse sur Terre, en ouvrant des portails.
Ce culte a été repris et développé par d’autres auteurs du Mythe, comme August Derleth, qui ont associé Shub-Niggurath à une force active, presque mère de plusieurs autres entités.
Shub-Niggurath et les autres entités cosmiques
Relations avec Yog-Sothoth, Nyarlathotep et les Grands Anciens
Dans la cosmogonie du Mythe de Cthulhu, Shub-Niggurath est souvent associée aux puissances les plus anciennes et les plus incompréhensibles de l’univers. Dans certaines interprétations, notamment chez August Derleth et d’autres continuateurs du Mythe, elle est présentée comme la parèdre ou « épouse » de Yog-Sothoth. Cette union symbolise la fusion entre la connaissance omnisciente (Yog-Sothoth) et la création biologique incontrôlée (Shub-Niggurath), engendrant ainsi des hordes d’entités monstrueuses. Dans The Dunwich Horror, bien que Shub-Niggurath ne soit pas nommée directement comme la mère de Wilbur Whateley, certaines analyses postérieures considèrent qu’elle pourrait être derrière cette procréation non-humaine.
Nyarlathotep, quant à lui, entretient avec Shub-Niggurath une relation plus fonctionnelle qu’originelle. Surnommé « le Chaos rampant », il agit fréquemment comme messager ou interface entre les Grands Anciens et les humains. Dans plusieurs récits et interprétations — notamment dans les textes de Lin Carter et Robert Bloch — Nyarlathotep est décrit comme un officiant dans les rituels de Shub-Niggurath, transmettant ses volontés ou manipulant les fidèles. Il est celui qui permet à son culte de se maintenir, en guidant ou en pervertissant les adorateurs à travers des cérémonies sanglantes, souvent dans des forêts isolées ou des landes interdites.
Cette triangulation entre Shub-Niggurath, Yog-Sothoth et Nyarlathotep illustre bien la diversité des forces du Mythe : l’infini cosmique, la prolifération chaotique et la médiation perfide. Ensemble, ces entités dessinent un panthéon où l’horreur naît de la démesure, de l’hybridation et du contact avec des formes de conscience non humaines.
Place symbolique de Shub-Niggurath au sein du panthéon lovecraftien

Shub-Niggurath incarne la face fertile du cosmos, aussi effrayante que le vide incarné par Azathoth. Elle est la contrepartie féminine, l’énergie créatrice dévoyée.
Son adoration s’oppose au nihilisme d’autres cultes : elle ne cherche pas l’annihilation mais la propagation infinie de la vie, sous toutes ses formes les plus monstrueuses.
Shub-Niggurath dans la culture populaire
Présence de Shub-Niggurath dans les jeux de rôle (L’Appel de Cthulhu, etc.)
Dans l’univers du jeu de rôle L’Appel de Cthulhu édité par Chaosium, Shub-Niggurath occupe une place majeure parmi les entités vénérées par des cultes obscurs. Surnommée « la Chèvre Noire des bois aux mille chevreaux », elle est régulièrement associée à des scénarios centrés sur l’horreur organique, la ruralité inquiétante et les dérives mystico-biologiques. Elle n’apparaît que rarement sous sa forme véritable, mais sa présence se fait sentir à travers ses rejetons difformes, des paysages corrompus ou des rituels d’invocation où la nature elle-même semble pervertie.
Dans des campagnes cultes comme Shadows of Yog-Sothoth ou Secrets of Japan, elle est invoquée dans des forêts impénétrables, au cours de messes noires où des villageois dégénérés et fanatiques lui offrent sacrifices et prières. Les investigateurs peuvent découvrir des lieux hantés par ses chevreaux : créatures tentaculaires et pulsantes, mi-animales, mi-végétales, que les livres de règles décrivent comme « répugnantes au-delà de toute imagination ».
Le supplément Malleus Monstrorum, bestiaire de référence du jeu, la décrit comme une entité si féconde qu’elle engendre des abominations à chaque pulsation de sa présence, et dont les cultes visent à faire fusionner le monde des hommes avec une matrice cosmique de reproduction infinie et incontrôlable. Ces éléments renforcent sa position comme une entité d’un chaos fertile, mère de toutes les horreurs rampantes.
Son culte dans L’Appel de Cthulhu évoque ainsi une terreur païenne ancestrale, où les frontières entre l’humain, l’animal et le divin se dissolvent dans un maelström de chair, de végétation et de folie.
Adaptations BD, jeux vidéo, cinéma et références modernes
Shub-Niggurath a largement dépassé les frontières de la littérature pour s’imposer dans la culture populaire contemporaine. Dans le jeu vidéo Bloodborne (FromSoftware, 2015), bien qu’elle ne soit pas nommée explicitement, son influence est palpable à travers des créatures amorphes issues de rites interdits, d’êtres hybrides nés de rituels de fécondation cosmique, et de l’esthétique de l’horreur organique. L’iconographie du jeu — entre pulsations noires, appendices monstrueux et maternité difforme — rappelle fortement la « Chèvre Noire aux mille chevreaux ».
Elle apparaît plus clairement dans Call of Cthulhu: Dark Corners of the Earth (2005), jeu d’aventure tiré de l’œuvre de Lovecraft, où son culte est mentionné dans des écrits découverts au fil de l’enquête. Elle est aussi évoquée dans des jeux de cartes comme Arkham Horror (découvrir le jeu de société Horreur à Arkham) ou Eldritch Horror, où elle figure parmi les Anciens les plus dévastateurs, apportant corruption, reproduction incontrôlée et menace diffuse.
Dans le monde de la bande dessinée, Alan Moore la cite indirectement dans Providence, comme écho à une sexualité cosmique pervertie et à la notion de Mère universelle décadente. Brian Lumley, dans ses romans du Titus Crow Cycle, lui donne un rôle plus actif, parfois même personnifié dans des avatars monstrueux. Elle est également reprise dans de nombreuses œuvres issues du Cthulhu Mythos étendu, où elle incarne la vie sauvage corrompue, la génitrice monstrueuse, et la peur de la prolifération non contrôlée.
Shub-Niggurath est devenue un archétype de la féminité cosmique noire dans la fiction horrifique, au même titre que Lilith dans la tradition ésotérique ou Kali dans l’imaginaire occidental. Son nom seul suffit désormais à évoquer un univers où la nature, loin d’être bienveillante, enfante dans la douleur, la folie et l’abomination.
Pourquoi s’intéresser à Shub-Niggurath aujourd’hui ?
Une figure féminine née de l’horreur cosmique

Dans un panthéon dominé par des entités masculines ou asexuées, Shub-Niggurath se distingue par son essence féminine, quoique monstrueuse. Elle questionne les représentations du maternel, de la fécondité, du féminin dans la peur.
Sa popularité actuelle reflète l’intérêt pour des figures ambiguës, à la fois puissantes et terrifiantes. Shub-Niggurath incarne l’étrange croisement entre la création et la destruction.
Shub-Niggurath comme symbole d’un imaginaire puissant et primitif
Elle réunit les archétypes archaïques : la mère, la forêt, la bête, la masse informe. Elle condense l’angoisse de la vie elle-même lorsqu’elle échappe à la forme et à la raison.
Son influence sur le genre horrifique est durable, car elle parle à l’inconscient collectif. Une entité dont la terreur réside dans l’excès même de vitalité.
Une autre créature du mythe de Lovecraft engendre de nombreux descendants terrifiants, il s’agit de Yig le dieu serpent que vous pouvez découvrir ici.
Conclusion : Shub-Niggurath, entre terreur et célébration de la vie sauvage
Shub-Niggurath, la Chèvre noire aux mille chevreaux, est l’incarnation d’une vie monstrueuse et insatiable. Sa place dans le Mythe de Cthulhu est unique : déesse païenne et cosmique, mère de l’abomination et source d’un imaginaire foisonnant.
Elle mérite d’être connue non seulement pour son rôle dans les cultes du Mythe, mais comme archétype narratif et figure de l’horreur fertile dans la littérature fantastique.
Sources
- H. P. Lovecraft, « La Quête onirique de Kadath l’inconnue », « Le Cauchemar d’Innsmouth », « Le Monstre sur le seuil »
- August Derleth et le Mythe de Cthulhu élargi
- S. T. Joshi, H. P. Lovecraft: A Life
- Jeux : L’Appel de Cthulhu (Chaosium), Bloodborne, Call of Cthulhu: The Card Game



